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Identité de genre : Considérations relatives aux régimes de retraite et d’avantages sociaux en milieu de travail

Identité de genre : Considérations relatives aux régimes de retraite et d’avantages sociaux en milieu de travail

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L’acceptation et la compréhension de la diversité des genres continuent d’évoluer au Canada. Cela inclut une plus grande acceptation et reconnaissance des personnes transgenres et non binaires. Alors que, depuis les années 1970, les personnes peuvent changer leur sexe sur leurs documents de naissance et d’identité, de masculin à féminin, ou vice-versa, elles peuvent désormais sélectionner une troisième option de sexe sur leurs documents d’identité fédéraux et provinciaux. Avec le recensement de 2021, le Canada est devenu le premier pays à recueillir des données sur le sexe à la naissance et l’identification de genre, les résultats indiquant qu’un Canadien sur 300 de plus de 15 ans s’identifie comme transgenre ou non binaire, avec des pourcentages plus élevés dans les tranches d’âge inférieures. Cela aura des répercussions sur le coût des régimes d’avantages sociaux des employé.e.s, car les modèles d’évaluation des risques existants utilisent un modèle binaire basé sur l’homme et la femme. Il y a également un impact sur les régimes de retraite, particulièrement ceux du Québec, qui n’ont pas encore permis l’utilisation de tables de mortalité unisexes.

Ce PVI fournit des informations générales sur la reconnaissance des identités de genre non binaires au Canada, explore ses effets sur la mortalité et d’autres hypothèses, discute de ses répercussions sur les régimes de retraite et d’avantages sociaux, et donne aux employeurs et aux promoteurs de régimes quelques mesures à prendre pour répondre aux besoins de leurs participant.e.s transgenres et non binaires.

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Terminologie

Puisque la terminologie varie et aux fins de cette discussion, il est important de définir certains termes clés qui seront utilisés ici :

  • Sexe assigné à la naissance : Le sexe assigné à une personne à sa naissance, qui correspond généralement à ses caractéristiques anatomiques et biologiques, soit homme, femme, ou intersexué.e.
  • Identité de genre : Le sentiment profond qu’une personne a de son genre, qui peut différer du sexe qui lui a été assigné à la naissance.
    • Cisgenre : Une personne dont l’identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance.
    • Transgenre: Une personne dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui lui a été assigné à la naissance. Aucune intervention médicale/chirurgicale n’est nécessaire. Aux fins du présent PVI, ce terme est utilisé exclusivement pour les personnes qui ont une identité de genre qui est soit masculine, soit féminine (c’est-à-dire distincte de non binaire).
    • Non binaire: Une personne dont l’identité de genre se situe en dehors de la binarité traditionnelle homme/femme.
  • Soins d’affirmation de genre : Les traitements médicaux (c’est-à-dire pharmaceutiques ou chirurgicaux) fournis à une personne pour mieux aligner ses caractéristiques physiques avec son identité de genre.

Les définitions ci-dessus ne visent pas à être exhaustives, mais plutôt à offrir un contexte pour la discussion ci-dessous, notamment en ce qui concerne les avantages sociaux en milieu de travail et leur coût.

Contexte

Toutes les juridictions canadiennes ont permis aux personnes de changer leur sexe sur leur certificat de naissance, certaines depuis les années 1970. Cependant, de tels changements ne pouvaient se produire que d’homme vers femme (ou vice-versa) et nécessitaient que la personne ait subi une chirurgie d’affirmation de genre. En commençant par l’Ontario, en 2012, les provinces et les territoires ont progressivement supprimé l’obligation de recourir à la chirurgie.

À partir de 2018, certaines provinces et certains territoires ont commencé à permettre aux personnes de sélectionner une troisième identité de genre (par exemple, non binaire, « autre ») sur les actes de naissance et autres documents civils. Cette option n’est pas encore disponible dans toutes les juridictions canadiennes. Depuis juin 2019, le gouvernement fédéral autorise les personnes qui ne s’identifient pas exclusivement comme homme ou femme à utiliser « X » pour le genre sur leur passeport, leurs documents de voyage, leur certificat de citoyenneté et leur carte de résident permanent.

Afin de recueillir des données sur la diversité des genres au Canada, le Recensement de 2021 a posé aux répondant.e.s des questions sur leur sexe assigné à la naissance et sur leur identité de genre. Les données obtenues indiquent un taux de personnes non binaires de 0,01 % à 0,43 % de la population, selon le groupe d’âge. Les informations de Statistique Canada montrent que les proportions de Canadiens et Canadiennes transgenres et non binaires étaient entre trois et sept fois plus élevées pour la génération Z et la génération des milléniaux (0,79 % et 0,51 %, respectivement) que pour la génération X, les baby-boomers et les personnes nées en 1945 ou avant (0,19 %, 0,15 % et 0,12 %, respectivement).

Mortalité, risque, et genre

À des fins actuarielles, les personnes sont actuellement classées comme hommes ou femmes, y compris celles qui sont transgenres ou non binaires. En raison des répercussions sur la répartition traditionnelle des données de mortalité entre hommes et femmes, « transféminin » fait référence aux personnes dont le sexe assigné à la naissance était masculin, mais qui s’identifient au sexe féminin, tandis que « transmasculin » fait référence aux personnes dont le sexe assigné à la naissance était féminin, mais qui s’identifient au sexe masculin. Dans les études de mortalité, les personnes transféminines ont traditionnellement été regroupées avec les femmes cisgenres, tandis que les personnes transmasculines ont été regroupées avec les hommes cisgenres.

De plus, bien que les personnes transgenres ne soient pas tenues de subir une intervention chirurgicale ou de prendre des médicaments pour confirmer leur genre (par exemple, des hormones), les tables de mortalité peuvent faire une distinction entre celles qui en ont subi et celles qui n’en ont pas subi, en raison de l’impact de certains soins (en particulier l’assignation chirurgicale du genre et les médicaments hormonaux) sur des facteurs de risque spécifiques, y compris la mortalité.

En ce qui concerne les avantages sociaux collectifs, il y avait un décalage dans la pratique historique d’évaluation des risques entre les informations que les actuaires et les assureurs pensaient recevoir et celles qu’ils recevaient réellement. Plus précisément, alors que l’on s’attendait à ce que les coûts des prestations de groupe soient calculés en fonction du sexe des personnes à la naissance, les coûts ont en réalité été calculés en fonction du sexe identifié des personnes. Cela est dû à la possibilité, mentionnée ci-dessus, qu’ont les personnes de modifier le sexe sur leurs documents d’identité personnels.

Le pourcentage croissant de la population qui s’identifie comme transgenre ou non binaire apporte un nouveau paradigme pour l’évaluation des risques, car la plupart des méthodes d’évaluation des coûts ont utilisé un modèle binaire différencié en fonction d’une répartition homme/femme. Il s’agit d’un domaine dans lequel les répercussions réelles, le contexte juridique et la position des différentes parties impliquées évoluent encore rapidement.

Selon les données du Recensement de 2021, environ 0,1 % à 0,3 % de la population canadienne s’identifie comme transgenre ou non binaire, soit une personne sur 300 âgée de plus de 15 ans. Comme indiqué ci-dessus, les pourcentages sont plus élevés pour les tranches d’âge inférieures. Si l’on examine l’impact de ce groupe sur l’élaboration des tables de mortalité, il s’agit d’un petit groupe de personnes. Il est donc peu probable qu’une conclusion significative puisse être tirée sur les facteurs de risque pour cette population.

L’impact des soins d’affirmation de genre

Comme indiqué ci-dessus, les soins d’affirmation de genre font référence à une gamme de services médicaux offerte aux personnes afin de les aider à mieux aligner leurs caractéristiques physiques sur leur identité de genre. Ces soins ne sont pas obligatoires; ils ne représentent qu’une partie potentielle du processus de transition de genre d’une personne. Bien que les taux de procédures d’affirmation de genre aient varié au fil du temps, les données fournies par le Directeur de l’état civil du Québec, en réponse à une demande d’information, suggèrent que les taux semblent stables à environ cinq procédures pour 100 000 habitants au cours des dernières années (2016-2021). Puisque, depuis les années 1970, les personnes peuvent modifier leur sexe sur leur certificat de naissance après avoir subi une opération de réassignation sexuelle, il existe plus de 30 ans de données disponibles sur ce sujet. Nous pouvons donc considérer que l’impact des soins d’affirmation de genre sur les facteurs de risque est assez intégré dans les données publiées.


La disponibilité des données pose des complications supplémentaires. Malgré le Recensement de 2021, il est actuellement difficile d’obtenir à la fois le sexe à la naissance et l’identité de genre à partir des données de l’industrie. Par conséquent, même si la taille du groupe le justifiait, il serait difficile d’obtenir suffisamment de données pour déterminer si un ajustement différent de ceux effectués pour les facteurs de risque traditionnels est nécessaire pour cette population. Certaines recherches médicales, souvent issues de dossiers de patients dans des centres d’affirmation de genre situés à l’extérieur du Canada (notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et au Danemark), fournissent des informations suggérant qu’il existe une différence significative dans les taux de mortalité. Plus précisément :

  • 48 % de la population transgenre, âgée de 26 ans et moins, a déclaré avoir tenté de se suicider (contre 6 % dans la population générale de la tranche d’âge 16-24 ans).
  • Les décès rapportés dans diverses études avec des tailles d’échantillon allant de 1 500 à 6,6 millions et une durée allant de quelques années à 40 ans ont indiqué que :
  Femme cisgenre Homme cisgenre
Femme transgenre Mortalité plus élevée
(2 à 3 fois plus de décès)
Mortalité plus élevée
(1,5 à 1,75 fois plus de décès)
Homme transgenre Mortalité plus élevée
(1,25 à 1,5 fois plus de décès)
Tendance non précise
(0,6 à 1,1 fois plus de nombre de décès)

Source supplémentaire : Guide de l’allié LGBTQ+ de Gallagher

Toutefois, d’un point de vue actuariel et de souscription, ces données ne sont pas considérées comme suffisamment fiables pour procéder à des ajustements significatifs des coûts. De plus, ces données tendent à surreprésenter les personnes qui ont reçu une forme quelconque de soins chirurgicaux d’affirmation de genre.

Les répercussions sur les régimes de retraite et d’avantages sociaux

En ce qui concerne la retraite, l’Institut canadien des actuaires (« ICA ») a publié, en mai 2023, le Rapport du Groupe de travail sur l’identité de genre (« Rapport »). Le Rapport a examiné les implications actuarielles potentielles de l’utilisation d’un sexe autre que masculin ou féminin. En mars 2024, l’ICA a également publié une Déclaration d’intention :Examen des normes de pratique en ce qui a trait à l’identité de genre (« Déclaration »). La Déclaration décrit les changements prévus aux normes de pratique consolidées de l’ICA (« Normes ») sur la base du Rapport. Il s’agit notamment de clarifier que les actuaires doivent comprendre si les données reflètent le sexe attribué à la naissance ou le genre, et de fournir des conseils sur certaines situations concernant les hypothèses de mortalité lorsqu’il y a un manque d’informations ou lorsque seules les informations sur le sexe sont disponibles.

De tels ajustements sont nécessaires, car la formulation actuelle des Normes exige l’utilisation d’une table de mortalité distincte selon le sexe. Alors que la législation sur les normes de retraite de presque toutes les juridictions canadiennes stipule que les actuaires doivent utiliser des tables de mortalité unisexes, celle du Québec exige, au contraire, l’utilisation de tables de mortalité distinctes selon le sexe. Par conséquent, des modifications législatives et réglementaires seront nécessaires dans cette province à la suite de toute modification des Normes. De telles modifications sont déjà envisagées par le gouvernement provincial à la suite de l’affaire Procureur général du Québec c. Centre de lutte contre l’oppression des genres de 2021. L’utilisation facultative ou obligatoire d’un taux de mortalité unisexe dans d’autres juridictions canadiennes constituera une mesure de protection si un très grand nombre de la population finit par avoir un sexe masculin ou féminin.

En ce qui concerne les avantages sociaux, nous avons observé une tendance similaire où la plupart des personnes transgenres et non binaires sont évaluées sur une base unisexe. Les assureurs sont encore en train de comprendre le concept et tentent d’améliorer leur tarification. Un élément clé à prendre en compte est le fait que les processus de souscription traditionnels étaient basés sur des catégorisations de sexe masculin/féminin. Les personnes qui s’identifient comme non binaires échappent donc à ces catégorisations traditionnelles, ce qui les place en territoire inconnu du point de vue de la souscription et de la tarification. Les considérations réglementaires dans le domaine des avantages sociaux sont moins nombreuses, ce qui signifie que l’alignement des assureurs sur cette question sera davantage motivé par les pressions du marché et le désir d’obtenir les meilleurs prix possibles.

Selon un point de vue de recherche générale, le manque relatif de recherches spécifiques aux personnes transgenres sur les implications médicales, ce qui signifie qu’il est actuellement difficile de quantifier avec précision les facteurs de risque applicables à ces personnes. Par exemple, de nombreuses études regroupent actuellement des personnes non binaires avec des personnes transgenres dans leurs données. Cependant, une étude de 2019 relie la cause du décès, soit à une composante biologique, soit à une composante comportementale; elle indique que 80 % de la mortalité peut s’expliquer par cette dernière. Bien que cela ne résolve pas le problème que l’étude de mortalité est répartie par sexe (homme/femme), cela peut résoudre certaines limites de souscription lorsque les données disponibles (définies comme le sexe à la naissance, mais en réalité le genre, comme indiqué ci-dessus) ne fournissent pas aux souscripteurs des informations suffisantes. Des questions supplémentaires concernant le comportement à risque dans un questionnaire de souscription (par exemple, le saut à l’élastique, le parachutisme, la conduite d’une moto, le tabagisme, etc.) peuvent permettre aux assureurs de fixer le prix des personnes en fonction de tables de mortalité distinctes selon le sexe ou unisexes, ou d’un mélange des deux en fonction du comportement, comme ce qui est déjà fait pour les fumeurs et les non-fumeurs.

En résumé

Comme indiqué ci-dessus, il s’agit d’un problème en constante évolution. Cependant, il y a encore quatre mesures que vous pouvez prendre dès aujourd’hui :

  1. Soyez informé et demeurez-le : Nous espérons que ce PVI vous a donné un aperçu des répercussions de l’identité de genre sur les régimes de retraite et d’avantages sociaux. Continuez de suivre l’évolution de la situation dans ce domaine afin d’être au courant des changements qui pourraient avoir des répercussions sur vos régimes ou sur vos pratiques (particulièrement pour les régimes de retraite au Québec).
  2. Amassez de l’information : Passez en revue vos formulaires actuels (nouvelle embauche, inscription au régime, sélection des avantages sociaux, désignation du bénéficiaire, etc.), vos outils et vos systèmes qui demandent le « sexe » (en réalité le genre) des employé.e.s/participant.e.s et de leurs personnes à charge pour voir comment ils et elles parlent du sexe et du genre. Apportez des modifications pour faciliter la collecte d’informations sur l’identité de genre et garantir que les personnes transgenres et non binaires puissent sélectionner l’option qui correspond le mieux à leur expérience.
  3. Revoyez le langage : En relation avec votre révision, examinez le langage et la terminologie utilisés dans les documents ci-dessus, ainsi que dans les politiques, les livrets d’employé.e, etc., pour vous assurer qu’ils sont inclusifs et non genrés.
  4. Parlez à vos assureurs : Renseignez-vous auprès de vos fournisseurs d’assurance sur la manière dont sont facturés les individus qui s’identifient comme autres que des hommes ou des femmes, car il n’existe actuellement aucune approche standard. Travaillez avec vos fournisseurs d’assurance pour garantir que les modifications apportées à la terminologie, etc., sont également répercutées de leur côté. Envisagez également d’ajouter une couverture d’affirmation de genre (disponible auprès de nombreux assureurs) ou d’augmenter les autres plafonds de couverture (par exemple, psychologique/conseil) pour répondre aux besoins des employé.e.s/participant.e.s et personnes à charge transgenres et non binaires.

Ce PVI a été préparé en collaboration avec Karen DeBortoli, B.A., LL.B. (Directrice non associée, directrice – Centre de ressources du savoir) chez Buck et Farzeen Mawji (Chef national de la pratique, Inclusion et diversité) chez Gallagher.

Pour plus d’informations sur ce sujet et sur les répercussions sur vos régimes, vos participant.e.s ou votre organisation, veuillez parler à votre consultant chez Buck ou communiquer avec le Centre de ressources du savoir à l’adresse talktocanada@buck.com ou au +1 866 355-6647.


Volume 06 | édition 2